Vivre la ruralité
Qui a vraiment gagné les élections ?
Dès les résultats du 2Ièmetour de la présidentielle annoncés et à l’écoute des adversaires déclarés du Président on a pu entendre et constater une virulence quasi unanime des propos tenus à son encontre. Pratiquement rien sur une défaite mais tout de même à plus de 40 % de la candidate d’extrême droite. L’extrême droite est désormais devenu “un mal“ comme les autres, une sorte de moustique qu’il suffit de chasser d’un revers de main.
A peine les résultats proclamés, on a pu entendre les différents porte-paroles des autres candidats parler d’un 3ièmetour et se propulser immédiatement vers les élections législatives prévues en juin, en sorte une revanche, revanche quasi immédiate d’un résultat déjà contesté : « océan d’abstention, illégitimité climatique, dénie des difficultés de fin de mois, .... », j’en passe et des meilleurs.
Curieuse méthode de la pensée politique qui consiste à faire passer ses revendications avant d’analyser les raisons de leurs propres échecs aux élections ; 7% pour Zemmour, moins de 5% pour Pécresse et Jadot, un 2% pour Hidalgo : pour tous ces candidats et leurs représentant les revendications des français n’ont pas été écoutées ni même entendues par le candidat-président réélu !!! Sur les 42 % de M. Le Pen, rien ou presque rien, ou alors la faute quasi exclusive au Président sortant réélu qui n’a pas bien évidemment tenu ses promesses de faire baisser l’extrême droite, entre autre.
Certains des candidats avaient commencé leurs campagnes voici plusieurs mois voire année, mais ce sont “les autres“ qui n’ont toujours pas compris, enfin l’autre en l’occurrence c’est Macron.
L’observation de l’extrême droite française et européenne dans les décennies d’après-guerre faisait apparaître tout une constellation d’organisations plus ou moins structurées, avec une visibilité médiatique quasi nulle et des résultats électoraux insignifiants.
Comment alors expliquer ce retour au premier plan et un vote aussi massif scrutin après scrutin ? Car est là en fait le véritable séisme de notre politique nationale, la montée inexorable et vertigineuse de l’extrême droite qui au premier tour dépasse allégrement les 30%.
Le nationalisme en France est parvenu à dépasser complètement cette nostalgie des régimes de l’entre-deux-guerres afin de s’adapter aux enjeux contemporains. L’idéologie de cette « extrême droite », est aujourd’hui généralement qualifiée de populiste et d’identitaire, et a désormais trouvé un écho important au sein des populations françaises et européennes en général. C’est réussir l’exploit sémantique d’inverser les genres pour se les approprier, gommer, estomper ce qui fait pourtant l’âme de l’extrême droite pour se rendre digeste au plus grand nombre. Ce nationalisme est alors interprété comme une réponse à la mondialisation économique qui évoque chez une partie de la population de nombreux pays occidentaux une insécurité économique, culturelle et identitaire. Face à cette insécurité supposée, l’extrême droite présente l’État-nation comme le dernier rempart et devant les protéger. De par l’Histoire, c’est pourtant bien tout le contraire qui se produit.
Ces différents mouvements européens se rejoignent sur les questions liées à l’immigration et à l’islam, mais diffèrent pour certains avec le RN qui s’oppose par exemple clairement à un libéralisme économique jugé excessif et délétère, la réaffirmation de l’État-nation passant donc par la confirmation de l’État-providence, mais limité aux nationaux français, la nuance est de taille et pourtant fondamentale.
Et puis ajoutons que l’absence d’ambitions de la gauche, ou son incapacité à les réaliser, encourage l’extrême droite à la détrousser de ses idées les plus porteuses. Quitte pour celle-ci à y injecter sa véhémence, son acrimonie, ses obsessions nationales ou religieuses. Dans ce registre qui entremêle ainsi et sans relâche « gauche du travail et droite des valeurs », le véritable vainqueur n’est plus E Macron mais l’extrême droite, car on peut ainsi se poser la question : qui a le plus vidé de sa substance les différents partis politiques traditionnels en y piochant sans vergogne pour récupérer un électorat contestataire ?
Méfions-nous des idées reçues et tâchons de rester lucide, l’extrême droite a simplement perdu une nouvelle bataille, mais il lui en reste encore de nombreuses à mener.
Il est évident que ces propos ne sont que le fruit de ma propre conviction et n'engage que moi, ils ont le mérite, enfin j'espère, d'ouvrir un débat de réflexion que je trouve malheureusement par trop absent.
Alain Brousse
28 avril 2022