Vivre la ruralité
Nous entendons souvent dire “c’était mieux avant, de mon temps ce n’était pas comme ça, etc…“.
Le passéisme, nous parle à tous, cette quasi-certitude que le monde tournait mieux avant, que les choses étaient mieux avant, que l'intelligence n'avait pas encore capitulé.
Mais sachons raison gardée, le passéisme ne date pas d'aujourd'hui. Il est vrai que les temps actuels semblent plus que jamais angoissants à l'aune (bien concrète) du changement climatique et des inquiétudes sociales, mais le sentiment prégnant que "c'était mieux avant" a probablement agité nos ancêtres avant nous. Pour exemple nous pouvons citer le poète latin Horace qui en témoignait il y a 2 000 ans, dans son Art poétique : "Mille incommodités assiègent le vieillard… Quinteux, râleur, vantant le temps passé, quand il était gosse, toujours à censurer les jeunes…" !!!
On peut essayer néanmoins de démontrer le contraire car de nombreux contre-exemples pragmatiques viennent contrecarrer l'idée d'un monde forcément plus noir qu'hier, comme le souligne Michel Serres dans son manifeste “C'était mieux avant“, en 2017 : "les usines sans contrainte, répandaient leurs déchets dans l'atmosphère, ou la mer, ou la Seine, le Rhin ou le Rhône", avant "on ne connaissant pas les antibiotiques, on mourait de vérole ou de tuberculose", avant, il n'y avait pas de soins palliatifs, avant "les chambres à coucher restaient glaciales tout l'hiver ….", les exemples peuvent s’écrire presque à l’infini. Citons encore Michel Serres : “ne le dites pas à vos vieux dont je suis, c'est tellement mieux aujourd'hui : la paix, la longévité, les antalgiques, la paix, la Sécu, la paix, l'alimentation surveillée, la paix, l'hygiène et les soins palliatifs, la paix, ni service militaire ni peine de mort, la paix, le contrat naturel, la paix, les voyages, la paix, le travail allégé, la paix, les communications partagées, la paix“...
Mais pour corroborer cette morosité actuelle et cette vision passéiste du “c’était mieux avant“, les recherches en psychologie expliquent l’existence d’un biais de négativité car nous sommes plus affectés par les mauvaises nouvelles que par les bonnes, nous voyons plus les défauts que les qualités et les médias répandent abondamment les événements négatifs, terrorisme, catastrophes en tout genre, la dernière pandémie du Covid 19 ayant eu un effet anxiogène plutôt exacerbé.
Ainsi notre mémoire joue un rôle clé dans ce sentiment passéiste parce que nous préférons ce que nous avons déjà expérimenté et ce dans tous les domaines, nous savons aussi que notre mémoire nous joue des tours en oubliant plus aisément les souvenirs négatifs. Ce filtre positif expliquerait pourquoi certaines personnes âgées, lorsqu’elles se tournent vers leur passé, oublient les aspects négatifs de ce qu’elles ont vécu.
Cet effet d’effacement a été observé dans le cerveau des personnes examinées par imagerie cérébrale : "Chez les personnes âgées, une zone nommée complexe amygdalien, qui intervient dans la genèse des émotions, est activée aussi bien par les images positives que par les images négatives. Cette zone n’est activée que par les images négatives chez les plus jeunes... Cette observation suggère que les personnes âgées manifestent plus de réactivité émotionnelle aux images positives que les jeunes : tout se passe comme s’ils y faisaient plus attention".
Soyons lucide parce qu’il existe bel et bien un domaine où la régression semble indiscutable : l'état de notre planète.
Le 29 juillet 2020
Alain Brousse
jonquieres-2020@laposte.net