Vivre la ruralité
Il est parfois du langage courant d’utiliser certains mots sans en connaître précisément sa définition et son sens véritable. Les effets de langage impressionnent le public qui les reçoit, c’est ainsi que ces 3 mots, ubuesque, kafkaïen et cornélien se doivent de retrouver leurs justes définitions.
Nous commencerons par ubuesque, les deux autres mots feront l’objet d’un papier chacun.
« Ubu » est un drame en cinq actes en prose, créé́ le 10 décembre 1896 au théâtre de l’Œuvre, à Paris, écrit par Alfred Jarry (1873-1097).
Selon son auteur, l’intrigue se passe en Pologne, plus nulle-part selon l’expression d’Alfred Jarry dans son discours de présentation de la pièce et dans un temps indéterminé́.
La création du personnage d’Ubu est en fait collective. Au lycée de Rennes, un professeur de physique, Félix Hébert, est « consacrée » par ses élèves dans les années 1880. Les lycéens, dans un pur esprit de potache, mette en scène ce singulier enseignant dans plusieurs textes, avant que l’un d’entre eux, Charles Morin, n’en crée une pièce pour marionnettes. Alfred Jarry va s’inspirer de cet ancien professeur pour transformer Hébert en Ubu, un nom d’animal vite devenu le symbole de l’absurdité mais pas que.
Les thèmes principaux abordés dans la pièce sont l’absurde, la bêtise et la cruauté.
Il est vrai que souvent le termes, absurde et ubuesque, sont utilisés de manière interchangeable alors qu’en fait l’absurdité n’est qu’un versant d’ubuesque. J’avoue moi-même en avoir fait une utilisation erronée.
Précisons qu’Ubu roi a choqué à son apparition et n’a connu que très peu de représentations au début de sa carrière littéraire. La pièce ne sera représentée que cinq fois entre 1896 et 1950.
Que raconte cette histoire ?
La mère Ubu aspire au trône et pousse son mari à s’en emparer en lui brossant un tableau alléchant de la vie de souverain. Le père Ubu se laisse convaincre et fomente une conspiration avec le capitaine Bordure. La veille de la revue de l’armée, la reine a un rêve prémonitoire et tente de dissuader le roi de s’y rendre, mais celui- ci y va quand même, emmenant deux de ses fils tandis que le troisième, Bougrelas, est privé de revue parce qu’il a insulté Ubu. Pendant la revue, le père Ubu et Bordure commettent leur forfait. Le roi et ses deux fils présents à la revue sont tués. La reine et Bougrelas fuient, mais la reine finira par mourir de chagrin.
Parvenu sur le trône, Ubu se montre extrêmement cruel et cupide. Il fait tuer les nobles, les magistrats et les financiers, et impose au peuple de nouveaux impôts, qu’il va récolter lui-même pour être sûr de ne pas être volé.
Le nom d’Ubu est devenu si courant qu’un adjectif en est dérivé́ dans le langage usuel :« ubuesque », apparu en 1922, qui désigne un mélange grotesque de cruauté́ et de couardise. Ubu roi remet en cause le théâtre classique et son langage dès le premier mot : « Merdre ! » Lors de la représentation, on se bat entre spectateurs et critiques, le scandale va assurer la gloire de l’auteur.
Ubu est tour à tour grandiloquent, « J’ai l’honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les Nobles et prendre leurs biens », cruel « Ceux qui seront condamnés à mort, je les passerai dans la trappe, ils tomberont dans les sous-sols(…) où on les décervèlera», mégalomane « avec ce système, j’aurai vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m’en irai.», Ubu est aussi un personnage satirique.
Le terme ubuesque désigne des situations où l’absurde et le grotesque prennent le pas sur tout le reste, mais y compris sur la simple notion de vérité. Nous pouvons faire le rapprochement avec certains personnages publics qui jouent sur l’outrance, la peur et l’anxiété, qui se présentent comme des figures fortes, providentielles, et volontiers « hors-système », ne reculant devant aucune transgression pour asseoir leur singularité. Ils partagent également avec Ubu des traits relativement peu flatteurs, tels que la prétention, le narcissisme, l’arrogance, le mensonge, l’hypocrisie, le mépris, la vulgarité, les préjugés, l’inculture... Je vous laisse le soin d’accoler les noms à cette description.
Mais prenons garde, de cette possibilité un peu inquiétante : certains d’entre-nous voteraient-ils, dans le monde réel, pour le Père Ubu ? A méditer.
Alain Brousse
10 avril 2021