Certains propos prononcés par des candidats à la présidentielle sont banalisés alors que leurs connotations historiques ne manquent pas d’être extrêmement dérangeantes pour ne dire plus. 

Nous avons entendu Valérie Pécresse au cours de son meeting au Zénith de Paris prononcer, entre autre, la phrase suivante : « Je veux faire des Français de cœur, et pas seulement des Français de papier », puis nous parler de grand remplacement. 

De la part d’une personne ayant la prétention à occuper la fonction suprême ces propos sont inadmissibles. 

Faisons un peu d’histoire ; à l’origine, l’expression « Français de papier timbré» serait apparue sous la plume de l’essayiste Albert Monniot, collaborateur de La Libre Parole, le journal antisémite d’Edouard Drumont. Elle désignait alors les juifs d’origine étrangère ayant obtenu la nationalité après demande faite sur papier timbré, rappelle l’historien Emmanuel Debono*. Dans son pamphlet antisémite La France juive, en 1886, Drumont décrit les juifs comme « Français de nom et non de cœur ». Reprendre ce genre de propos serait donc faire de l’antisémitisme, ce qui me surprendrait de la part de Mme Pécresse. C’est donc son ignorance et son impréparation qui est à déplorer. Comment faire confiance, ce qui n’est pas facile en ces temps, à une femme politique qui ne vérifie pas le texte qu’elle délivre à des millions de français ?

Continuons sur le même registre ;

Dans un contexte marqué par une inquiétante baisse de la natalité, une loi est votée qui facilite l’adoption de la nationalité française par les immigrés (loi du 10 août 1927). Quelques mois avant le vote, certains s’alarment : « Si l’on vide la France, en paix comme en guerre, de ce qui faisait la richesse de son sang, la solidité de son âme et la sève de son génie, c’est parce qu’on veut y planter autre choseL’étranger naturalisé devient un citoyen complet ; il a sur la terre de nos aïeux les mêmes droits que nous ; le naturalisé est un étranger que la police ne peut plus expulser». Tout cela est décrit comme une invasion, qui prend la forme d’un changement de population, un remplacement en quelque sorte. Comment ne pas mesurer le côté tragique de notre histoire et d’oublier ainsi, surtout quand quelques propos plus loin on ose citer Simone Veil !!!

Serait-ce considérer que les origines immigrées constituent le péché originel ? Il y aurait ainsi des bons et des moins bons français ? Cette attitude, dont la source historique est clairement identifiable dans les milieux nationalistes, xénophobes et antisémites, est aussi infamante que stigmatisante. En faisant mine de répondre à un réflexe patriotique, elle ne fait qu’établir une détestable loi des suspects fondée sur les origines.

J’aimerais juste que nous puissions “sortir“ de ce genre de propos nauséabonds qui ne servent qu’à semer la zizanie et qu’à réveiller de vieux démons qui ne dorment toujours que d’un œil.

Nous méritons autre chose Mme Pécresse, j’en suis intiment convaincu.

* Source : “Le Monde Emmanuel DEBONO“

Alain Brousse

15 février 2022