Vivre la ruralité
Nous devons féliciter nos élus pour leur “idée“ de boîte à idées !! Pourquoi ?
Il est bien qu’individuellement nous réfléchissions pour le bien-être de la collectivité. En effet depuis 15 mois nous avons dû faire des efforts et pour beaucoup d’entre-nous vivre isolé, replié sur nous-même. Il est donc venu le moment de repartir de l’avant et de se soucier de notre avenir en commun. Mais attention, les idées ne sont pas qu’en retard de 15 mois !!
Méfions-nous car l’individualisme grandissant ne favorise plus le consensus, la concertation est souvent bruyante, chacun préférant exposer sa situation particulière plus que d’aller vers une vision commune.
La vie rurale ne peut et ne doit se résumer à l’entretien courant, qui est certes important mais sans avenir créatif. Les citadins envient notre tranquillité, nos paysages, notre air pur (!!), les ruraux souhaitent les facilités de la ville, la proximité des services….
Permettez-moi de poser ce qui me semble être la question principale : ne pourrait-on pas avoir une vision plus originale que de penser le rural comme un lieu de la désertion où comme une échappatoire à la ville bruyante et polluante, le village tentant à devenir une « urbanité rurale » couplée aux ambitions d’expansion d’un péri-urbain sans limites ?
Comme je l’ai déjà écrit devons-nous opposer le choix entre une ruralité-sans-vie et une ruralité-sans-rural ? Nous avons quasi une pensée magique qui transforme le « bio » en authentique, le circuit-court avec le repli sur soi, le vrai avec le traditionnel … Bref un mélange où chacun y va de sa définition mais sans vraiment savoir parfois de quoi ils parlent. Un exemple que dont tout à chacun parle volontiers : le foncier. Précisons que le foncier n’est pas une chose matérielle, mais un concept social : un système de droits sur les espaces. Ce sont ces droits, variables d’un lieu à l’autre, dans la durée, qui ont une valeur, et non les espaces en tant que tels. Donc un concept, déjà plus difficile à appréhender, pour exemple la volonté des élus à savoir qui et quoi et appartient à qui. Je reparlerai du foncier dans un futur papier.
Un autre exemple encore ; la nécessité de la connexion permanente, via les différents supports est désormais aussi prégnante en ruralité qu’en ville, la fibre est désormais à Jonquières, la 5 G bientôt, mais pour en faire quoi ? Posez la question autours de vous et vous entendrez une multitude de réponses, la seule réponse honnête serait plus : “je ne sais pas trop, c’est mieux…“.
On voit bien qu’émerge de plus en plus un axe d’existence concrète avec une métropolisation des esprits. Petit à petit, on uniformise le territoire, connexion internet voir plus haut, le trottoir remplace peu à peu l’herbe, la place bucolique devenant parking, etc…
La réponse n’est pas uniquement dans la réalisation d’un PLUiH, celui-ci ne devrait être en fait qu’un instrument et non une finalité du territoire. Le hic, si je puis dire, c’est que ce sont les acteurs des villes qui décident. Au passage on oublie qu’une histoire urbaine ou rurale raconte toujours des histoires, qui vont et viennent, mais s’ancrent dans les mémoires. Certains se permettent de vouloir remodeler le paysage, bouleverser les habitudes parce qu’il faut moderniser, redynamiser, comme si ceux qui vivent encore là ne seraient que l’image du passé !!! Une fois de plus la discussion s’organise à la marge, entre ce qui a été pensé pour notre bien et une réalité perçue. C’est là que doit s’inventer un nouveau monde, où chacun doit tendre la main vers l’autre et non plus se regarder en ennemi potentiel.
Personnellement j’ai fait un choix de vie en milieu rural mais qui n’est pas un retour à la terre, je ne suis pas agriculteur ou en passe de le devenir, c’est un retours à la terre pour inventer d’autres modes de vie, d’échanges, de relations.
Le souci d’un rapport bienveillant aux « autres » est central. C’est la prise de conscience que le monde ne peut se recomposer que sur l’intensité des relations que l’on sera capable de créer entre nous et sur le respect de l’hétérogénéité qui nous traversent.
Ici construire des communs, ce n’est pas construire des contours qui bornent, c’est intensifier l’épaisseur des frontières qui nous lient.
Alain Brousse
12 juin 2021