Vivre la ruralité
Les gens du voyage (GDV) sont de retour à Jonquières, installés sur la partie engazonnée du City stade. J’avais dans un précédent papier évoqué ce sujet, pour essayer de comprendre ce que nous exprimons, nous, à Jonquières comme un envahissement empli de désagréments. Pour pouvoir agir il faut au préalable comprendre cette récurrence et avoir une pleine connaissance de cette population et de leur mode de vie.
La pratique du Voyage répond à des logiques fortement établies et confirme une appartenance territoriale des familles indéniable. Autrement dit, les Gens du voyage ne sont pas de nulle part et ne vivent pas une errance permanente. Au contraire, ils mobilisent et se revendiquent fortement d’un territoire donné établi sur une histoire familiale et personnelle, des lieux de sépultures, des lieux de séjours des autres membres de la famille, des lieux habituels d’activité́ économique, des lieux d’accès aux droits ou aux soins, etc.
L’itinérance a ainsi deux fonctions premières.
La première est une fonction sociale qui permet la rencontre des autres membres de la famille participant ainsi au maintien de la cohésion du groupe familial, d’autres groupes et des sédentarisés (nous par exemple). Cette première fonction favorise le renforcement du sentiment d’appartenance au monde du Voyage en même temps qu’elle contribue à la recomposition familiale au travers des rencontres entre les différents noyaux familiaux.
La seconde fonction du voyage est une fonction économique au travers de laquelle les déplacements de la famille, ou d’une partie de celle-ci, seront mobilisés autour de la prospection de travail sur un territoire donné, habituel ou nouvellement exploré.
Outre ces deux fonctions, d’autres facteurs président à l’activation de la mobilité́ ou, au contraire, à l’arrêt, temporaire ou de plus longue durée, du Voyage. Il s’agit notamment des saisons, avec une très forte tendance désormais à une période d’hivernation en un lieu fixe. C’est aussi les capacités financières des familles car le Voyage a un coût que toutes les familles ne peuvent pas assumer.
Cette dynamique entre itinérance et arrêt du Voyage s’inscrit dans un territoire défini propre à chaque famille ou groupe familial, ce que Jean-Baptiste Humeau désigne par « polygones de vie » en se référant à « l’ensemble des lieux de stationnement ou de séjour prolongé, voire de résidence durable et de sédentarisation, des caravanes d’une famille du voyage qui, tout au long d’une année, constituent les bases géographiques de l’espace parcouru ».
Nous avons affaire plus à des voyageurs dont l’échelle des déplacements ne dépasse pas le territoire de quelques communes ou sur un seul micro territoire.
Le voyage ne se qualifie donc pas au nombre de kilomètres parcourus mais dans ce rapport permanent à l’itinérance, que celle-ci soit réelle ou pas, sachant que c’est la possibilité́ de pouvoir éventuellement l’activer en cas de besoin qui importe aux personnes.
Progressivement, de nombreuses familles ont cherché́ à bénéficier d’un ou de plusieurs lieux de fixation sur leur territoire d’appartenance afin de sécuriser leurs possibilités de séjours face aux évolutions règlementaires et de bénéficier d’un lieu où se poser notamment lors des périodes d’hivernation. Ce sont aussi parfois des raisons de santé qui amènent les personnes les plus âgées à accéder à une forme d’habitat permanent avec ou non maintien de la caravane.
Nous avons ainsi exposé le mode de vie et leur refus d’une sédentarisation, que nous devons prendre en compte, il est évident que nous ne pourrons rien y changer sauf par la contrainte mais ce serait s’engager sur une voie toute autre et contraire aux respects des droits.
Quelles solutions sont proposées ?
- La première est la plus évidente ; c’est la nécessité d’échanges et de concertation, entente entre les élus à chaque échelon ; maires, communauté de communes et du département, c’est la volonté politique de traiter le problème et de travailler en étroite collaboration avec la préfecture et les forces de l’ordre.
On peut rétorquer qu’une commission à l’ARC existe déjà, mais force est de constater que ses résultats ne sont pas à la hauteur de ce que l’on peut en attendre.
Le schéma départemental des aires d’accueil n’est pas respecté, il y a un manque évident de places, la répartition est faite sans véritable concertation, une aire par ci, une aire par là…
Les GDV ont des exigences, terrain herbacé pour l’été, aire en dur pour l’hiver.
- La deuxième solution est qu’actuellement les maires s’informent entre eux des mouvements des GDV mais sans aucune véritable possibilité d’action concertée. Chacun espérant in fine ne pas voir arriver une cohorte de caravanes sur sa commune.
- La troisième solution est plus individuelle où chaque commune tente d’obstruer les parcelles occupées précédemment avec plus ou moins de bonheur, la malice des GDV est sans limite, c’est le jeu du chat et de la souris. Les risques de dégradations grandissent et les tensions s’exacerbent.
Il est évident que les dépenses sont inflationnistes, tant avant qu’après une occupation illégale (nettoyage, remise en état, clôtures, plots…). Les communes ne sont pas à égalités, les plus grosses disposant de moyens plus importants.
L’ARC par la voix de son Président clame qu’elle respecte ses obligations, sans nul doute mais dans quelles conditions pour les GDV ? Il est inutile de croire que les GDV sont des campeurs “poètes et rêveurs“ prêts à se contenter d’un “bout“ de terrain !!!
Alors que faire ?
Il faut donc rétablir / engager un véritable dialogue entre toutes les parties et cesser de croire que nous pourrons plier les GDV à nos désidératas. Actuellement soyons réalistes et lucides ce sont eux qui mènent le jeu en venant s’installer de manière illégale sur les territoires de nos communes.
Comme toute négociation, elle doit se faire sur une base et une volonté constructive réciproque et surtout sans à priori ou chacun sera ensuite amené à faire des concessions / compromis.
En deuxième lieu il nous faut savoir d’emblée que les coûts d’un nouveau schéma départemental, idem sur l'ARC, seront élevés mais engagés sur l’avenir il seront bénéfiques pour tous.
Alors, nouveaux élus - nouvelles propositions et nouvelles actions ?
Affaire à suivre.
Le 21 juillet 2020
Alain Brousse
jonquières-2020@laposte.net